Chanee, un homme extra-ordinaire et découverte des Orangs Outans!
Nous reprenons l'avion depuis Tarakan pour nous rendre à Palangkaraya où nous avons rendez-vous avec Chanee. Nous avons hâte de l'interviewer car il fait partie des personnes que nous souhaitions rencontrer depuis plus de 3 ans, moment où nous avons commencé à chercher des personnes impliquées dans la conservation de la Biodiversité.
Le jeune homme arrive, trentenaire comme nous, il porte une tenue de travail, c’est à dire un pantalon et une veste verts kaki, avec son nom inscrit sur un ruban jaune à la poitrine et une paire de rangers noires. Il est accompagné d’un chien au poil souple, caramel brun qui répond au nom de Sam. Chanee a le regard bleu, franc, il est à la fois courtois, précis et sec dans ses intonations. Il souhaite d’abord en savoir plus sur notre démarche et où nous en sommes dans notre expédition. Nous devinons son intelligence pragmatique dans sa façon d’interroger et d’écouter ses interlocuteurs. Nous réalisons vite les valeurs communes qui nous rapprochent. Nous souhaitons en savoir plus sur son histoire, cette passion inconditionnelle pour les Gibbons et sa lutte. Nous connaissons peu de chose de lui, nous avions naturellement parcouru son site web, compris son implication en Indonésie. Nous avions réalisé que Chanee avait une bonne couverture médiatique, plusieurs articles de presse lui sont consacrés, ainsi que des documentaires télévisuels mais nous ne savions pas grand-chose quant aux motivations qui l’avaient poussé à quitter la France et à s’installer en Indonésie. Pourquoi avait-il décidé de se dédier aux Gibbons de Bornéo et de Sumatra ?
C’est au fur et à mesure qu’il nous raconte son récit que nous découvrons sa force de caractère et que nous prenons conscience de la dimension incroyable de son parcours et de son action. On se dit également qu'avec de la volonté, on peut soulever des montagnes!
Chanee, ou Aurélien, est français et vit en Indonésie depuis 13 ans.
A l'âge de 11 ans Aurélien se prend de passion pour les Gibbons, ces grands singes, moins connus du grand public mais qui le fascinent. C'est au zoo qu'il les découvrira pour la première fois et se fera la promesse de faire tout ce qu'il peut pour les protéger. A 11 ans il fait sa demande au directeur du zoo (ce qui lui a été recommandé par un grand réalisateur de documentaire animalier qu'Aurélien avait déjà contacté!). Le directeur accepte : Aurélien peut venir tous les mercredis et samedis observer les gibbons. A se poster devant la cage des gibbons la plupart de son temps libre, Aurélien en apprend tellement que 5 ans plus tard il écrit son premier livre sur ses observations.
Séduite par le portrait de ce jeune homme qu'elle a lu dans un magazine, Muriel Robin décide de l'aider à accomplir son rêve : voir des gibbons dans leur milieu naturel. C'est comme ça qu'en 2007, à 17 ans, il part sac au dos pour voir ses animaux de prédilection en milieu sauvage. Le pas est franchi, Aurélien veut agir sur le terrain. Il passe du temps en Thaïlande; c'est là-bas qu'on le surnommera "Chanee", Gibbons en Thaïlandais. Depuis il a gardé ce nom; "ça me va bien" nous dit-il.
Très vite il s'aperçoit que les gibbons d'Indonésie font l'objet de peu de programmes de protection et pourtant en cours d'extinction. C'est après un voyage intiatique qu'il a fait seul dans le cœur de Bornéo à la rencontre des Dayaks et de la nature, que Chanee décide de créer l'association Kalaweit.
En 2011 l'association grandit toujours et est plus que jamais nécessaire à la protection et à l'étude des Gibbons. Aujourd'hui, Aurélien est reconnu au niveau international dans le prestigieux cercle des grands primatologues...
Nous avons rencontré Chanee, dans les locaux de Kalaweit à Palagkaraya: voir son interview:
Se rendre sur le site de l'association: http://www.kalaweit.org/
Chanee a écrit un livre récemment "le Nouveau-Né", que nous vous recommandons vivement de lire. Son regard sur sa situation personnelle témoigne de sa force de caractère et d'une lucidité à toute épreuve. C'est un livre dur mais extrêmement riche, de la première à la dernière page, vous serez captivés. Commandez-le en cliquant ici
En raison d'un planning chargé en Indonésie nous n'avons pas pu aller au nord ouest de Java retrouver Soojung, une chercheuse coréenne dont nous avions le contact. Cependant nous la remercions pour sa disponibilité, pour tous nos échanges d'e-mails et ces quelques photos de Gibbons de Java.
Gibbons de Java (Hylobates moloch)
Soojung est une coréenne hyper dynamique qui n'a pas peur des conditions difficiles pour mener ses recherches sur le terrain! Soojung en effet vit seule dans la partie restante de la forêt tropicale de l'île de Java pourtant si habitée. En plein cœur de la réserve Taman Nasional Gunung Halimun-Salak Soojung étudie depuis 4 ans le chant des Gibbons (Hylobates moloch) (espèce menacée) afin de trouver des méthodes pour permettre leur protection et leur monitoring. Ces gibbons font l'objet d'études afin de comprendre leur évolution et caractéristiques. Ils se distinguent des autres espèces de gibbons notamment par leur chant distinct.
Ci-dessous un délicieux repas de noodle ;-)
Petit tour au cyber café pour répondre aux mails et donner des nouvelles aux proches.
Depuis Palangkaraya jusqu'à Tanjung Puting le trajet se fait habituellement en avion. Cependant nous préférons l'option route pour mieux se rendre compte de la portée de la culture des palmiers à huile dans la région...D'après ce que nous avons entendu, tout au long de la route (12h de bus), les exploitations sont de chaque côté.
C'est effectivement le constat que nous ferons et on peut d'ailleurs le voir sur la carte satelite ci-dessus (pas forcement à jour, ce qui nous fait craindre que ce soit encore pire).
Rappelons que les exploitations de palmiers à huile sont :
- Profitables aux gros industriels: les paysans qui vendent leur champs se retrouvent ensuite dans des situations de précarité
- Modificatrices des sols, en quelques années la dégradation est irrémédiable
- Empêchent les animaux de traverser: le territoire est de plus en plus restreint
- L'huile de palme, présente dans une grande partie des produits de consommation est mauvaise pour la santé...
- Détruit les environnements naturelles pour s'établir éliminant ainsi des forêts millénaires et privant les animaux de leur habitat, les condamnant à disparaître
Dégustation de très bonnes brochettes locales!
C'est depuis la ville de Pakalan Bun que nous cherchons un guide pour nous amener dans le parc Tanjung Puting pour voir les Orangs Outan de Bornéo.
Les enfants sont toujours curieux, amusants et accueillants, nous passons quelques temps avec eux.
Voici Rusty qui va nous aider à organiser notre croisière.
Rusty, l’exemple d’une opportunité professionnelle créée par un Parc National ?
Rusty parle calmement un anglais clair. Il est indonésien, de stature moyenne, sa silhouette et ses mouvements discrets témoignent d’une réserve naturelle et d’un certain respect pour ses interlocuteurs. Il porte des lunettes au dessin moderne griffées d’une grande marque américaine, probablement une copie mais d’une très bonne qualité. Son sourire et ses lunettes occidentales donnent à son visage une bonhommie agréable et à sa stature un caractère « sportwear », relaxe qui inspire confiance. Il est coordinateur pour une agence qui offre des excursions dans le Parc National de Tanjung Puting . Il s’agit d’un Parc National Indonésie connu dans le monde entier pour la conservation d’une espèce de grand singe emblématique, l’Orang Outan.
Rusty est un enfant du coin et son parcours témoigne des opportunités de travail créé par les Parcs Nationaux. Il est né à Kumai, le port des « Klotok » (canoë à moteur) passage obligé pour se rendre dans le parc. Sa mère est originaire de Kumai et son père de Pangkalan Bun où il travaillait dans une société d’exploitation forestière. Naturellement, lorsque le parc national fut créé dans les années 1970, il représente aujourd’hui 415,040-hectares, les locaux ne voyaient pas d’un bon œil ce projet qui venait clairement mettre un frein à leur labeur de déforestation. Si ce projet de conservation permit une reconversion d’un certain nombre de travailleurs en offrant des emplois pour l’aménagement, l’entretien, la formation au métier de rangers, les places étaient limitées. Cette situation a longtemps posé des problèmes pour concilier des intérêts divergents notamment entre le Parc dirigé par l’état indonésien et les alentours sous la décision provinciale. Aujourd’hui, encore la situation est imparfaite. Une mine d’or en amont de la rivière vient polluer et opacifier le cours d’eau de vase et de produits chimiques comme le mercure particulièrement nocif pour l’environnement. Cependant, cette activité polluante fait vivre plusieurs centaines de familles qui sans ces revenus seraient davantage enclin à abattre illégalement du bois dans le parc pour vivre. Rusty grandit dans ce climat ayant comme voisin, un parc Naturel.
Il apprend l’anglais et l’informatique en étudiant deux ans à Java. Il revient ensuite à Bornéo où en 2000 il participe aux premiers programmes de volontaires dans le Parc. Il est coordinateur pendant 6 mois de plusieurs groupes de jeunes gens étrangers venus donner un coup de main pour améliorer les infrastructures du parc. Il devient ensuite guide accompagnant les touristes pour leur séjour et visite dans le parc de Tanjung Puting. Il exerce ce métier pendant 10 ans. Les formules proposées offrent généralement un bateau pour 3 ou 4 jours qui permettent d’accéder aux trois différentes bases visitables et leur plateforme pour nourrir les grands singes en voie de réhabilitation. L’équipage se compose d’un capitaine, d’un assistant, d’un cuisinier et naturellement d’un guide capable d’accompagner les touristes et leur transmettre les informations importantes. Il s’agit d’une activité saisonnière car le nombre de touristes est variable au cours de l’année et si certains mois les rotations s’enchainent comme en juillet août, il y a aussi des semaines sans activité. C’est difficile également en termes de vie familiale car le guide est amené à ne pas rentrer tous les soirs à la maison.
Aujourd’hui Rusty a 45 ans. Parmi ses 4 frères et une sœur qui travaillent tous comme fonctionnaires, c’est le seul à être resté dans sa ville natale et à travailler dans le secteur privé. Il s’agit d’un choix personnel, il ne souhaitait pas travailler pour une administration car une courte expérience lui avait suffi à réaliser l’ennui et l’inactivité dans le type de poste. Il est à présent coordinateur de l’agence de voyage locale créée par un de ses amis. Cela lui permet d’être plus présent pour sa femme et ses 3 enfants. Au travers de son métier il a développé une conscience environnementale aigue. Il nous avoue que la transmission aux nouvelles générations, notamment à ses enfants n’est pas toujours facile. Les jeunes semblent plus intéressés par la TV, les discussions sur téléphone portables et la musique.
Arrivée dans le parc national, nous y resterons 4 jours et 3 nuits, temps nécessaire pour aller jusqu'au 3ème camp de base.
Probostic monkeys (Nasalis Larvatus) se trouvent uniquement à Bornéo (cf article sur Tarakan). Ils vivent dans les marécages/ mangroves et se nourrissent essentiellement de feuilles.
Camp Leakey a été créée en 1971 pour l’étude des Orangs-Outans de Bornéo (Pongo pygmaeus) et de la forêt tropicale. Dans la zone du Tanjung Puting national park on peut voir des Orangs Outans sauvages et d’autres anciennement captifs. Du début des années 70 au milieu des années 90 de nombreux Orangs Outans ont été réintroduits dans leur milieu naturel. A partir des années 90 une nouvelle loi a interdit la réintroduction d’Orangs Outans captifs dans la même zone de vie que les Orangs Outans sauvages dans le but de limiter la compétition et la transmission de maladie d’un groupe à l’autre.
Orang Outan de Bornéo (Pongo pygmaeus)
Nous faisons la rencontre d’Isai, qui est notre guide lors de notre visite du parc. Il s’agit d’un jeune homme d’une vingtaine d’années Dayak mi Natchu par sa mère mi Malai par son père. Lui aussi est né dans les parages, a appris l’anglais, mais plus jeune, et a déjà conduit de nombreux touristes dans leur excursion. Isai se pose plein de questions sur la façon d’organiser sa vie, de gagner plus d’argent, de pouvoir payer son mariage et fonder sa famille. Il s’imagine travailler quelques années comme guide pour gagner en compétences mais certainement pas dix ans. Il pense à des idées de commerce, il a l’envie et l’espoir de faire autre-chose même s’il avoue beaucoup aimer la nature.
Si Isai ressemble en certains points à Rusty, suivra-t-il le même type de chemin ? On sent dans son discours un profond sens des valeurs, de respect, un goût, un intérêt et une compréhension pour la conservation de l’environnement. Mais cela suffira-t-il ? Il faut savoir que les retours financiers d’une excursion pour un guide restent limités.
Nous vous montrons ici de nombreuses photographies pour partager notre émerveillement face au comportement de ces grands singes.
Aujourd’hui les Orangs Outans se trouvent menacés du fait de la réduction et de la fragmentation de leur habitat majoritairement causées par les activités humaines. Au cours du 20ème siècle les forêts primaires de Bornéo se sont considérablement réduites, on estime qu’entre la moitié et les 2/3 de la forêt originale ont été détruites à Bornéo* (*Source CNRS). Les feux de forêts causés en partie par le changement climatique (saison sèche plus longue) et surtout par l’activité humaine, chasse pour le commerce illégal, la déforestation pour la sylviculture (souvent illégale), pour l’exploitation de mines (d'or entre autres), pour la production d’huile de palme et du coup toutes les routes et infrastructures qui en découlent ont des répercussions catastrophiques pour de nombreuses espèces.
Les feux de forêts et la déforestation sont responsables d'au moins 20% des émissions en gaz à effet de serre à l'origine du changement climatique*(*IUCN).
Nous prenons un plaisir énorme à observer ces primates si expressifs!
Au deuxième camp, les visiteurs peuvent participer à la reforestation en achetant des arbres à la pépinière. Ci-dessus notre petite contribution !
Superbes couleurs de fin de journée...
...des couleurs qui nous semblent irréelles!
Si vous avez l'occasion d'aller dans le sud de Bornéo, nous vous recommandons vivement la visite du parc de Tanjung Puting. En plus d'être un moyen extraordinaire de découvrir les Orangs Outans, vous pourrez passer quelques jours sur la rivière et en profiter pour vous immerger dans cette réserve naturelle.
La croisière est très bien organisée et les conditions de vie sont plutôt agréables !!!
Ci-contre visite du Camp Leakey. Crâne d'Orang Outan versus crâne humain...
Quelques chiffres donnés à Camp Leakey :
- En 1997/1998 un grand feu de forêt a causé la mort d’un tiers des orangs outans de Bornéo, plus de 20 000 individus ont été touchés. Les exploitations d’huile de palme sont fortement mises en cause.
- Bien que les plantations d’huile de palme sont nombreuses autour du parc et que leur activité impacte négativement les écosystèmes et contaminent l’eau utilisée par les populations locales. En 2003, le Ministère des forêts de Jakarta avait annoncé de nouvelles concessions dans le parc de Tanjung Puting, comme quoi rien n'est jamais gagné et qu'il faut sans cesse rester mobilisés…
Il est bien entendu interdit de s'approcher trop près des Orangs Outans (<10m). Cependant dans ce cas, lorsqu'ils s'approchent de Julien, il ne vaut mieux pas fuir...sauf en cas de danger ce qui n'était pas le cas.
Ci-dessous le populaire "Thom", mâle dominant du camp n°2 à tel point qu'il n'est pas rare de voir Thom en photo dans les magazines, les livres, les expositions!
Lorsqu'il s'approche les gardes se mettent en alerte, on peut clairement sentir leur appréhension. Cette fois il ne s'agit pas de se retrouver proche de Thom.
Bien qu'il ne soit pas particulièrement agressif, il est le maître des lieux et l'on ne sait jamais ce qui peut arriver avec un animal sauvage. La force de Thom serait capable de nous démanteler les membres en deux temps trois mouvements...
Avec beaucoup de chance nous avons pu voir aussi le mâle dominant du premier camp!
Une sangsue...
Dégustation avec l'équipage du fruit d'un palmier poussant aux abords du parc.
Le super cuisinier en action
Dernières curiosités de ce voyage extraordinaire..
Les bateaux à la flottaison douteuse !
Que peuvent-être ces bâtiments gris, énormes mais pourtant sans fenêtre avec seulement des petites ouvertures?
Ces bâtiments sont en fait des abris géants pour Martinets et Salanganes (famille des Apodidae, qui ressemblent beaucoup à des hirondelles)! Aussi incroyable que cela puisse paraitre ils sont construits uniquement pour ces oiseaux...mais pourquoi?
Pour récupérer une substance précieuse ... la salive secrétée par ces oiseaux pour fabriquer le nid. La soupe de nid d'oiseaux est très réputée en Chine depuis plus de 1000 ans pour ses propriétés thérapeutiques et aphrodisiaques. Un kilo de ces nids est vendu 1500 $, c'est pour cela que nous voyons pleins de bâtiments de ce type dans la région.
En Indonésie, l'importance de ce commerce a pris de l'ampleur, on parle de 0,5% du PIB, ce qui équivaut à environ un quart de l'industrie de la pêche du pays (selon Christopher W. Runckel) .
Ainsi s'achève notre mois passé sur l'île de Bornéo, des rencontres extraordinaires, des variétés de paysages, une faune et une flore variée... La situation écologique est très préocupante et les pressions économiques très fortes face à autant de richesses naturelles. Nous espérons y revenir un jour et si possible soutenir un projet de conservation avec ACTIONS BIODIVERSITE.
Actions Biodiversité au Sud de Bornéo du 10 au 18 avril 2011