West Kalimantan, un peu plus dans les zones reculées
Après notre passage à Derawan, nous décidons d'aller plus dans les terres, de nous rapprocher un peu de la zone connue comme "Le coeur de Bornéo", zone protégée par la Malaisie et l'Indonésie et lieu propice pour le projet REDD+ des Nations Unies (Programme on Reducing Emissions from Deforestation and Forest Degradation in Developing Countries). Bornéo est une zone particulièrement sensible en matière de déforestation galopante, victime des activités d'huile de palme et minières dévastatrices.
En allant encore plus vers l'intérieur nous irons partager quelques jours avec la communauté de Setulang pour découvrir leur forêt abritant de grands arbres ainsi qu'une faune et une flore variée.
Après 3 heures de bateau sur les méandres du fleuve nous arriverons à Malinau. Nous avons eu la chance d'apercevoir des dauphins d'eau douce (une des rares espèces existantes, cf blog sur les 4000 îles au Laos) malheureusement nous n'avons pas eu le temps de prendre des photos.
La journée de transport (depuis l'île de Derawan), la chaleur et la promiscuité ont eu raison de Julien qui a fait un malaise impressionnant sur le bateau, heureusement il s'en est vite remis !
Le projet REDD+ vise à inciter les pays boisés en développement à protéger leurs ressources forestières, à en améliorer la gestion et à en faire une utilisation judicieuse, contribuant ainsi à la lutte mondiale contre le changement climatique.
Il se base sur les efforts visant à conférer une valeur au carbone stocké dans les forêts sur pied. Outre la déforestation et la
dégradation des forêts, la “REDD+” aborde le rôle de la conservation, de la gestion durable des forêts et du renforcement des stocksde carbone. À long terme, les paiements perçus en échange d’une réduction et d’une élimination avérées des émissions, via un mécanisme de marché ou par des fonds, incitent les pays associés au mécanisme REDD+ à investir davantage dans le développement sobre en carbone, pour un avenir plus sain et plus respectueux de l’environnement. Source: nations unies
Sur le terrain, les actions et la mobilisation autour de projets REDD+ semblent limitées contrairement à ce que l'on peut lire sur les différents sites web des grands organismes institutionnels impliquées. Cependant, d'autres acteurs restent mobilisés sur des sujets de protection de l'environnement et développement des communautés locales.
Ci-dessus, photos au centre WWF de Malinau avec son responsable qui nous parle de leurs actions depuis une vingtaine d'années auprès de communautés locales. Dans cette partie reculée de Bornéo le WWF utilise un procédé innovant de "zoning" qui permet de distinguer, en collaboration avec les communautés, des zones spécifiques réservées à différentes utilisations: des zones où les communautés ont leurs activités traditionnelles, des zones prioritaires pour la vie sauvage, des zones totalement prohibées pour éviter l'empreinte des hommes. Une des grandes difficultés consiste donc en l'élaboration des frontières en partenariat avec les populations, les scientifiques et le gouvernement.
De plus le WWF créée une zone tampon autour du parc national (1,1 millions d'hectares) où sont intégrées les notions de Biodiversité et de management des ressources naturelles par les populations locales. Ces actions nécessitent également une collaboration entre les différentes institutions et le gouvernement local.
Nos amis de Derawan nous ont donné le contact d'Andreas et de Marguerite qui travaillent pour une association Suisse de développement à Malinau depuis une année, ce sont donc eux que nous venons retrouver pour qu'ils nous aident à rejoindre ultérieurement la forêt.
Marguerite s'occupe de la promotion de l'art Dayak. Grâce au réseau de l'association elle soutient l'artisanat d'objet en rotin auprès de plusieurs communautés.
Ci-dessus, des feuilles sont chauffées et mélangées afin d'en extraire le colorant naturel noir qui permettra d'agrémenter les motifs des créations. Ce procédé naturel, moins couteux que les colorants artificiels vient du savoir-faire de Rosemaini (ci-dessous)
Rosemaini est une experte Indonésienne du tissage en rotin venue spécialement pour former une équipe d'une quinzaine de tisseuses afin d'améliorer leur technique. Marguerite a réussi a faire venir de très loin ces femmes pour mettre en avant leur technicité exceptionnelle et réaliser des oeuvres d'art qui seront exposées dans des musées européens.
Petite visite à la boutique, n'hésitez pas à nous contacter si vous voulez commander de superbes objets en rotin, Marguerite et Andreas font parfois des livraisons en Europe!
Andreas prend soin de nous, il nous fait découvrir les "Warung" où nous pouvons déguster des plats indonésiens des îles Sulawesi...un vrai régal, nous prenons des forces avant notre passage en forêt.
Nous nous rendons à présent dans la communauté Dayak Kenyah Uma Lung de Setulang, village situé à 2h de camionnette de Malinau...lorsque la route est praticable! Le départ a été décalé en raison des fortes pluies rendant la route impraticable.
Ci-dessous le village de Setulang dont une partie est sur pilotis en raison de la montée des eaux de la rivière. D'autre part les familles possèdent une aire de stockage séparée pour leur riz et le matériel agricole. Les bâtiments sont regroupés loin de l'enceinte du logement afin d'assurer la sécurité en cas d'incendie.
Pour les courses c'est facile il n'y a pas trop de choix ;-) nous prenons quelques sauces pour agrémenter poisson ou viande que nos guides trouveront en cours de route!
Dans ce village les familles vivent de la chasse, du rotin et du riz organique. Cette communauté spécifique de Dayak est particulièrement reconnue pour ses efforts de conservation de la forêt. Traditionnellement l'accès à la forêt et à ses ressources sont limités. L'utilisation de la forêt est basée sur des connaissances autochtones afin de conserver durablement les paysages naturels (avec des pratiques comme la culture itinérante et de l'agroforesterie) pour le bien des hommes et de la nature.
Riang notre guide, pilote de pirogue et chasseur!
Le camp de base se trouve à 2h de pirogue du village. Les pluies de la veille ont forci le courant de la rivière ce qui nous promet un trajet épique! Nos sacs sont posés au milieu de la pirogue bancale et nos appareils photos et autres matériels techniques bien à l'abri dans plusieurs sacs étanches...
Pour l'anecdote, nous avons bien fait car la pirogue est partie seule lors de la remontée de la rivière, nous avons percuté la rive ce qui a entrainé le débordement d'eau dans la pirogue. Plus d'inquiétude pour le matériel que de mal, nous avons bien ri de cet épisode ;-)
Accueil charmant du scorpion au camp de base ;-)
On se protège bien des moustiques...ici c'est important!
Ci-dessus la rivière qui passe devant le camp de base mis en place dans la forêt Tana Olen (la forêt interdite), forêt entretenue par les villageois Setulang. De l'écotourisme a été mis en place afin de préserver la forêt qui fournit de la nourriture, le rotin et permet de conserver le mode de vie traditionnel.
Traces d'ours...
Equipement pas vraiment sexy mais obligatoire pour se protéger des sangsues. La technique: chaussures de foot en plastique pour passer la rivière et adhérer dans les montées; du tabac dans les hautes chaussettes... entre nous, nous avons tout de même eu des mauvaises surprises!
Cette forêt préservée du "logging" (exploitation forestière) abrite encore de nombreux gros arbres.
Des lianes et des arbres à perte de vue...un vrai bonheur.
Liane de rotin
Les conditions de marche dans cette forêt sont assez fatigantes: la température et l'humidité sont élevées, les sangsues nous attaquent ;-) et les guides ont un rythme plus que soutenu et le terrain est dénivelé et difficile à pratiquer!
Kase Bezu, ou le grand arbre, se trouve à environ 4 heures de marche du camp de base. Avec une circonférence de 9,3 mètres, c'est le plus grand arbre qui se trouve dans les 5300 hectares de forêt gérée par le village Setulang.
Riang
Termites
Chenille à longs cheveux
Session macro photographie dans la forêt.
Après une bonne journée de marche et d'observations nos guides nous préparent un bon petit plat à base de grenouilles et crapauds attrapés à la main et de petits poissons de la rivière, sans oublier le riz!
Le camp de base construit récemment est très agréable à vivre, les constructions en bois sont impressionnantes, nous ne nous attendions pas à trouver un tel confort dans cette zone quelque peu éloignée.
La pluie précipitera un peu notre départ, il s'agit de rentrer avant qu'il y ait trop de courant dans la rivière.
Dur de quitter "la forêt interdite" et son petit coin de paradis!
Tabea en premier plan qui nous a aidé a discuter avec nos guides. Rosep
Avant de retourner à Malinau nous passons au village de Setulang pour discuter avec le responsable de la gestion du camp écotouristique.
Essai de chapeaux traditionnels des Uma Lung
Un grand merci à tous nos interlocuteurs et aux différents contacts qui nous ont permis d'arriver jusqu'à Setulang et la forêt de Tanna Olen. Nous espérons que malgré la pression des industries minières et l'exploitation forestière les Dayak Kenyah perséveront dans la gestion durable de leur environnement.
Pour mieux connaitre le mode de vie des Uma Lung, communauté des Dayak Kenyah et découvrir en vidéo la forêt, la rivière et le village dont nous venons de vous parler. Nous vous invitons vivement à découvrir ce petit documentaire de 9 min réalisé dans le village de Setulang et la forêt interdite. Réalisation université des Nations unies. Regarder le documentaire en cliquant ici.
Actions Biodiversité à Malinau et dans la forêt autour de Setulang du 4 au 9 avril 2011